vendredi 18 septembre 2009

Lutte contre la corruption et lutte contre le blanchiment d’argent - Le point de vue d’Abdoulaye Bio Tchané

Le point de vue d’Abdoulaye Bio Tchané - Directeur Afrique, Fonds Monétaire International (Washington) - Janvier 2007

Longtemps nos sociétés ont sous-estimé les conséquences destructrices de la corruption. Les récents travaux de l’Institut de la Banque mondiale mettent aujourd’hui clairement en évidence le lien qui existe entre le niveau de corruption et celui de la pauvreté pour tout un ensemble de raisons : détournement de fonds publics, constitution d’une économie de rente, distorsion de la concurrence, frein aux investissements… Mais la corruption, plus encore qu’un cancer économique, est un cancer politique. Quand elle touche les plus hautes sphères de l’Etat, la corruption décrédibilise l’autorité publique de ceux qui sont en charge de la destinée d’un pays et, brisant les relations de confiance entre les citoyens et leurs institutions, sape les fondements même de la société. La corruption ouvre alors la porte à l’instabilité politique, aux tensions sociales, aux rivalités ethniques jusqu’aux guerres civiles. En Afrique, la corruption politique est d’autant plus destructrice qu’elle frappe des pays aux structures administratives peu aguerries, aux ressources limitées et aux équilibres économiques fragiles.

Devant ce constat, la lutte contre la corruption est dès lors devenue un chantier important des institutions chargées du développement. Elle est au cœur des priorités des institutions de Bretton Woods. La Banque mondiale s’est fixée une double mission : d’une part, de traquer les pratiques corrompues dans l’exécution de ses contrats et, d’autre part, intensifier son appui technique aux actions entreprises par les gouvernements pour lutter contre la corruption. Le Fonds monétaire international, de son côté, s’attaque de façon résolue à l’autre versant de la corruption : le blanchiment. Car une fois que les pots-de-vin ont été versés au moyen de mécanismes financiers ayant permis de sortir de l’argent des comptes publics des entreprises et d’en constituer le caractère occulte, les destinataires ont besoin de réintroduire ces montants dans les circuits financiers officiels. En mettant en place des contrôles sur les flux financiers et en améliorant la traçabilité de ceux-ci, les politiques et mesures anti-blanchiment rendent plus difficile l’utilisation des pots-de-vin. Plus encore, ces dispositifs de surveillance font désormais courir à la personne corrompue un deuxième risque : au délit de corruption parfois difficile à traquer, vient s’ajouter le délit de blanchiment plus difficile à dissimuler en raison de la vigilance accrue des institutions bancaires.

Au-delà du moyen concret de lutte contre le recyclage des produits d’activités illégales ou de leur financement (corruption, trafics illicites, terrorisme…) la lutte contre le blanchiment fait partie des missions fondamentales du Fonds qui a pour objet de contribuer à la stabilité du système monétaire international, stabilité qui exige que les acteurs économiques aient une pleine confiance dans la rigueur et la transparence des institutions financières. En luttant contre la corruption et contre le blanchiment qui lui est associé, le Fonds contribue directement à l’amélioration des conditions macro-économiques favorisant l’investissement, la croissance et le développement. Aussi, devant l’importance de cet enjeu, le Conseil d’administration du Fonds at-il décidé en mars 2004 que les évaluations des dispositifs anti-blanchiment et les activités d’assistance technique associées feraient désormais partie intégrante des travaux du FMI qui n’a, depuis cette date, cessé d’intensifier son action dans ce domaine.

Par Abdoulaye Bio Tchané - Janvier 2007

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