lundi 21 septembre 2009

L’urgence, ça se fabrique... - Editorial de Arimi Choubadé


Si le gré à gré n’avait pas existé le régime Yayi allait l’inventer. Le raccourci par excellence lorsque l’envie vous prend de plonger la main dans les caisses de l’Etat surtout avec de solides appuis au sommet des sommets. Un seul mot magique qui permet à tout rentier du système de s’en mettre plein les poches : URGENCE. Constater une urgence ou la créer carrément ouvre grandement les malles du trésor public en évitant des procédures contraignantes et risquées. Application : depuis avril 2006, le gouvernement Yayi sait qu’à 5 reprises au cours du mandat, les musulmans observeront le jeune du mois de Ramadan à raison de 29 à 30 jours chaque année. Une planification conséquente ferait forcément des prévisions surtout si des fonds publics devraient être engagés au nom de la solidarité nationale. Sauf qu’exécutée dans les normes requises, l’opération ne présente aucun intérêt pour les courtisans du régime. La décision d’octroyer 100 millions Fcfa en vivres divers signifie un marché public considérable. Le choix des fournisseurs, des Imams représentants les bénéficiaires, les frais de mission des officiels devant procéder à la remise officielle des vivres, les 10% de ristournes. Des enjeux politico-financiers indispensables en cette période de pré campagne sauvage. Pour s’assurer de la maîtrise du pactole, le mode d’emploi est connu : l’urgence provoquée, le boulevard du gré à gré.

Toujours l’exemple du Ramadan 2009. Les milliers de Mahométans sont rentrés dans le jeûne en n’ayant aucune idée de la manifestation de la solidarité nationale comme ce fut le cas en 2008. À l’entame du mois, aucune réaction du gouvernement. Toujours rien à mi-parcours. L’urgence est apparue à moins de 5 jours de la fin où le fameux train de la solidarité nationale se met enfin en branle. L’annonce des 100 millions décaissés et l’exhibition des vivres sur les écrans de télévision se bousculent à une vitesse frénétique. Les fidèles eux observent les agitations sans être édifié sur comment entrer en possession des vivres en question. En fait de vivre, on se demande si les émergents ont obtenu la liste des articles en parcourant un verset coranique. Riz, lait, sucre. Ils le font certainement exprès puisqu’ils ne peuvent prétendre ne rien comprendre aux habitudes alimentaires des présumés bénéficiaires.

L’affaire des dons aux musulmans ne traduit que très partiellement la propension des gestionnaires émergents à se transformer tous en urgentistes. Célestine Adjanohoun, ancienne directrice générale de la société distributrice d’eau et d’énergie qui fait les beaux jours de la mouvance Yayi à l’Assemblée nationale connaît les avantages qu’il y a à décréter l’urgence lors de l’attribution de marchés gré à gré portant sur des centaines de millions. Cela donne à l’initiateur le droit d’être le seul maître à bord dans le choix du contractant. Admirez également le gré à gré généralisé à la confection du collectif budgétaire 2008 dans lequel tout est devenu subitement urgent : la construction du siège de l’Assemblée nationale, la couverture télévisuelle du territoire nationale, l’aéroport de Tourou à Parakou etc…

Mais le chef d’œuvre des urgentistes du régime demeure incontestablement le dossier Cen-Sad. La Marina a pris tout son temps avant d’accepter d’engager au pied levé près d’une cinquantaine de milliards dans une opération de prestige destinée à assouvir les lubies de Kadhafi sans se référer au parlement. La combinaison gré à gré-urgence a permis de surfacturer près de 2 milliards rien que par rapport à la réfection du Centre international des conférences et le palais des congrès de Cotonou ; les gants à 90.000 Fcfa ; l’imperméable à 400.000 Fcfa ; les bureaux d’études fantaisistes ; les décaissements d’avances indues…

Tout chemin vers la corruption passe par l’urgence et le gré à gré…

Rédigé le 18 septembre 2009 Par Arimi Choubadé
Lien source : http://arimi.freehostia.com/spip.php?article577

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