jeudi 2 juillet 2009

Abdoulaye Bio Tchané ou le « fils du Nord – Candidat de Al-Qaïda »

Les masques sont désormais tombés !
Nous avons déjà dénoncé comme beaucoup d’autres, sur ce site même, l’ère de la «pensée unique», de la «voix officielle du parti» qui semblait revenir sur nos services publics d’informations, revenir de la lointaine époque du PRPB. L’ORTB serait prise en «otage» et condamnée à ne diffuser que la belle opération de communication de la partisanerie présidentielle. Apparemment, la vérité est universelle et c’est justement en dénonçant aussi cet état de fait, que l’honorable député Saka Fikara nous aura permis de mettre à la lumière, deux autres déviances du débat politique tel que mené aujourd’hui en 2009 dans un Bénin reconnu de par le monde pour sa maturité démocratique et si souvent cité en exemple, même si depuis peu nous caracolons en queue de classement des pays où la liberté de la presse est considérée comme une serpillère. Hélas, cette fois-ci, il n’y a rien de glorieux… car ces deux déviances, l’une touchant à l’appartenance régionaliste des acteurs politiques, et l’autre, à leur appartenance religieuse sont de nature à porter de graves menaces sur l’unité nationale et à conduire au pire. Encore plus, si les vieux démons de la division semblent être agités depuis le plus haut niveau de l’Etat béninois, si l’on s’en réfère, ne serait-ce qu’aux propos rapportés par M. Fikara.

Sur la question régionale

Avant toute chose, revenons aux fondamentaux. Au début, il y avait 112.622 km², s’étirant sur 700 km, de l’océan Atlantique aux bords du Fleuve Niger. Au début, il y avait le Dahomey. Cette terre, que nos valeureux aïeux comme le Roi Béhanzin ou Bio Guerra nous ont légué après de mémorables batailles. Cette terre, autrefois appelée « Danxomè », rebaptisée par nos pères « visionnaires », dans le but justement de favoriser une « unité nationale ».
Revenir aux fondamentaux, c’est rappeler que le Bénin compte aujourd’hui à peu près 8,5 millions d’habitants qui vivent en harmonie dans l’ensemble, regroupés en plus d’une quarantaine d’ethnies.

Revenir aux fondamentaux, c’est se dire qu’il n’y a pas, en tous cas pas dans le sens « géographique » ni sociologique du terme, une « ethnie nordiste » d’un coté, et une « ethnie sudiste » de l’autre. Il y a autour de quarante ethnies, et nous mettons au défi, quiconque de s’amuser à leur trouver une quarantaine d’appellations, eu égard à leur géo-localisation en se servant des points cardinaux. Ah voici l’ « ethnie du 11°51’N – 2°41’E » ou encore l’«ethnie 6°22’N – 2°26E » (position GPS du marché Dantokpa…) et donc l’ethnie 6°22N serait « la Tribu des Cotonois »…

Voilà la réalité géographique.

Le 11 juin déjà, Charles Toko a lancé son cri d’alarme : « La Nation en Danger ! ». Il y était question, d’une nouvelle recrue de la « Majorité Présidentielle Plurielle », (dont nous taisons le nom pour ne pas lui donner plus d’importance qu’il n’en a…) qui sillonnait les contrées de la Donga pour porter la « parole vraie », relayée par la télévision nationale : «Yayi va tomber, Tchané va tomber, et ils vont prendre le pouvoir ». Charles Toko a fait son devoir de citoyen de sentinelle. Mais il n’a certainement pas voulu s’interroger « à voix haute » sur la vraie origine de cette « parole vraie » dont la paternité est difficilement attribuable à cette nouvelle recrue contre ses amis d’il y a quelques heures. M. Toko aurait pu attribuer une bonne note de « récitation » à cet homme si doué pour réciter des leçons qu’il aurait apprises par ailleurs, dictées par un marionnettiste-mystère… (Il faut toujours se demander à qui profite la parole-portée).
Faudrait-il aussi revenir sur les incidents de Dassa au cours desquels un « Ministre-Militant » de la République accompagné de son garde du corps (le détail qui tue) et d’une foule/poignée (c’est selon) de militants FCBE, qui voulait empêcher l’appel à la candidature « d’une certaine imposture, d’un certain Bio-Tchané » dans les collines ? (toujours se demander à qui profite la parole-portée).

Il ne nous appartient pas de jouer les « inspecteurs Derrick » pour rechercher un instigateur dont le nom est un secret de polichinelle bien gardé… Mais toujours est-il que nous avions déjà eu à dénoncer le « Silence étrange » du Chef de l’Etat, Chef de la Nation, qui selon les propos du Ministre porte parole du Gouvernement, ne daignera même pas répondre à son interpellation à l’Assemblée par les députés, se contentant, dans son droit constitutionnel, de s’y faire représenter.

Voici maintenant, que l’honorable Saka Fikara nous rappelle en parlant du « Garant de notre unité nationale » que lors de la campagne législative de 2007, ce dernier aurait « dit à Malanville de ne pas voter pour Issa Salifou parce qu’il n’est pas un fils authentique du nord ? C’est un fon ». CQFD. Ce discours semble soudainement, si familier, entendu de la bouche « d’une certaine recrue ». Ce « silence étrange » semble si soudainement parler de lui-même. Cela donne la chair de poule !
Oui Abdoulaye Bio Tchané est né à Djougou, quelque part au Nord, à quelques encablures de Cotonou. De la même façon que Thomas Sankara était né plus au Nord de Djougou, que le Roi Mohammed VI est né encore plus au Nord du Burkina, que M. Tony Blair est né plus au Nord du Maroc. Aucune de ces personnes n’a choisi leur lieu de naissance. Pas plus que le Président Nicéphore Soglo n’a choisi de naître à Lomé. Prenons un peu de la hauteur et rendons nous compte à un point donné de la terre, il y aura toujours un autre point plus au Nord. « Elémentaire mon cher Watson ! »

La subdivision "Nord/Sud" du Bénin est purement opportuniste et arbitraire. D'ailleurs, si frontières, il y a, il faudrait que l'on nous dise où elles se trouvent ? A Calavi ou à Zogbodomé ? Mais peut-être est-ce à Paouignan ou à la lisière des Mamelles de Savè ? A moins que ce ne soit juste à l'entrée de Tchaourou? Mais manifestement, personne ne situe cette frontière à Parakou, Djougou, Nikki, Kandi ? À moins que ce ne soit tout simplement Malanville ? Au- delà en effet, il y a le Niger !

Donc, circulez, il n’y a pas de débat quant au fait d’être du « Nord » ou du « Sud ».Pour paraphraser le Président Obama, nous pouvons dire : " Il n'y a pas un Bénin du Nord et un Bénin du Sud; il y a la République du Bénin avec une intégrité de son territoire ".

Cessons donc de distraire l’opinion… Et agissons en Hommes politiques responsables et éthiques. La vie ne s’arrête pas en 2011, ni en 2016, pas plus qu’en 2021. Mais la paix a un prix que seules des ethnies comme les hutus ou les tutsis peuvent comprendre : « On ne connaît l’utilité des fesses que quand vient l’heure de s’asseoir ».

Non M. Toko, ne vous inquiétez pas. Nous ne pensons pas que les porteurs de paroles « patriotes » ont envie d’avoir des comptes à rendre à l’histoire… Nous espérons (supplions) qu’ils ne s’amuseront pas longtemps à titiller de vieux démons.

Sur la question de la religion

Ici aussi, revenir aux fondamentaux, c’est rappeler que le peuple béninois est multiconfessionnel. C’est rappeler que selon le recensement de 2002 les principales religions sont : Chrétiens 42.8% (catholiques 27.1%, célestes 5%, méthodistes 3.2%, autres protestants 2.2%, divers 5.3%), musulmans 24.4%, Vodoun 17.3%, autres 15.5%.
Revenir aux fondamentaux, c'est rappeler 3 articles de la constitution de 1990 :
Art 5. -Les Partis politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la Charte des Partis politiques.
Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l'intégrité territoriale et la laïcité de l'Etat.
Art 23. -Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d'opinion et d'expression dans le respect de l'ordre public établi par la loi et les règlements.
L'exercice du culte et l'expression des croyances s'effectuent dans le respect de la laïcité de l'Etat. […]

Ces deux articles consacrent si l’on en doutait, le principe de la «Laïcité de l’Etat», la constitution allant jusqu’à le poser en motif de non révision valable de la constitution :
Art 156. -Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte â l’intégrité du territoire.
La forme républicaine et la laïcité de l'Etat ne peuvent faire l'objet d'une révision.

La laïcité (selon Wikipédia l’encyclopédie notoire en ligne) désigne au sens actuel la séparation du civil et du religieux, et le principe de séparation des pouvoirs politique et administratif de l’État du pouvoir religieux en est une application corollaire. Au sens contemporain, elle est le principe d'unité qui rassemble les hommes d'opinions, religions ou de convictions diverses en une même communauté de vie.

Au Bénin, et nulle part ailleurs, les Présidents élus prêtent serment devant «Dieu » mais aussi devant « les mânes de nos ancêtres ». Les jours fériés concernent la journée des religions traditionnelles, la fête de Pâques, ou encore la fête de Ramadan. Le père Noël amène des cadeaux aux enfants musulmans aussi, de la même façon que le mouton, sacrifice de la fête de Tabaski, fait le bonheur des voisins et collègues chrétiens et autres. Au Bénin, il arrive très souvent de rencontrer dans une même famille des chrétiens, des musulmans et des animistes entretenant, au delà de cette différence, des liens de solidarité très solides.

Le peuple béninois n’a pas eu besoin des politiques pour vivre en bonne intelligence et en bonne communion. Et c’est ce qui nous étonne, en lisant cette phrase que le député Fikara rapporte du Chef de l’Etat : « le pays est en danger parce que Al-Qaïda veut amener un candidat au Bénin en l’occurrence Bio Tchané. Il ne faut jamais qu’un musulman prenne le pouvoir ici au Bénin ». Rappelons ici que les détracteurs d'OBAMA, n'ayant rien à lui reprocher lors des campagnes présidentielles passées, avaient tenté en vain de faire croire à l'opinion publique américaine qu'il est musulman du fait de son prénom Hussein et de surcroît lié à Al-Qaïda.

C'est du déjà vu ces manœuvres politiciennes !

Y aurait-il ici aussi du deux poids deux mesures ? Qu’est-ce qui empêche au Bénin et avec notre constitution, un musulman d’accéder à la magistrature suprême ?

De quel droit taxerait-on quelqu’un de « candidat d’Al-Qaïda », pour le simple fait de « son choix » religieux ? Surtout si l’on sait que très bon pratiquant, M. Bio Tchané, en tout musulman qui se respecte, pratique l’art de la discrétion, de la tolérance. C’est ainsi que même lorsqu’il était ministre, il allait toujours à la prière du vendredi ou des jours de fêtes, sans jamais y aller avec tambour, trompette ou caméra, se contentant de pratiquer sa religion comme tout citoyen lambda. On ne peut pas en dire de même, des messes de remerciement, du l’équipe actuelle au pouvoir, relayées par les organes de presses publics…
Qu’il vous souvienne que le prétendu candidat d’Al-Qaïda a honoré de sa présence, la communauté Nonvitcha. C’était dans une église, à Grand-Popo. Drôle de représentant de Al-Qaïda tout de même… Faudrait-il rappeler que le Président Yayi Boni ne s’est pas déplacé le 10 janvier lors de la fête du Vodoun ?

Non, Encore une fois, nous pensons que le débat, le vrai, n’est pas là ! Nous sommes dans un pays où cela ne dérange personne que l’aéroport s’appelle « Aéroport international Cardinal Bernardin Gantin », où nous circulons sur l’avenue Jean-Paul II. Nous sommes dans un pays où (les plus anciens s’en souviennent encore), le Président Kérékou avait entre temps été converti à l’islam par le Guide Lybien de la révolution. Ils avaient à l’époque, du temps du PRPB, prié ensemble à la mosquée de Joncquet !

Al-Qaïda a bien d’autres chats à fouetter que de s’engager politiquement dans un pays, où nous n’avons même pas de « World Trade Center ».
Ces propos, si tant est qu’ils ont réellement été tenus sont terriblement consternants et affligeants. Ils ne méritaient même pas que l’on si attarde, si ce n’est que c’est là l’occasion pour nous de rendre hommage à nos populations qui, loin d’être dupes, sont réellement laïques, et vivent en bonne intelligence. Et tout cela sur un « ABT » qui n’a même pas encore dit : « Je suis candidat aux présidentielles de 2011 ». Pourquoi tant de panique ? Pourquoi tant de haine ? Pourquoi tant de mépris ? Pourquoi tant de persécutions ? Pourquoi tant d’acharnements contre ABT ?

Le vrai débat est ailleurs. Lorsque la campagne électorale sera officiellement lancée, il faudra plutôt s’affronter sur des valeurs et des idées.
  • Ces valeurs auront pour nom, la compétence et l’intégrité, la vision et le leadership.
  • Ces idées devront constituer des projets de société cohérents et en phase avec nos réalités profondes.

Heureusement encore que sur certains plans, il existe encore une unanimité. Tout le monde est unanime sur la comptétence de ABT. C’est ainsi, qu’il nous plaît de rappeler ici ces autres propos du président Yayi Boni, tenus au cours d’une interview en Janvier 2008. Interrogé sur ses « sentiments » suite à la nomination du candidat béninois à la tête de la BOAD, M. Boni a confié à Sidwaya (un journal du Burkina Faso) : « Je suis convaincu que Pierre Abdoulaye Bio Tchané, à ce nouveau poste, va continuer de mettre son talent, son professionnalisme au service de la sous-région».
Tenez, on y apprend d’ailleurs que le « candidat d’Al-Qaïda » se prénomme aussi « Pierre »
Décidément, drôle de «militant d’Al-Qaïda». La vérité est que, tolérant, rassembleur et surtout intègre, Abdoulaye Bio Tchané ne peut certes pas être attaqué sur ses qualités et compétences professionnelles. Alors, il faut lui chercher d’autres défauts, comme celui de n’avoir pas choisi de naître au Sud (sacrilège), ou alors d’avoir naturellement l’intelligence, de faire de la question religieuse, une question privée. Exactement comme l’art. 23 de la Constitution le lui permet.
Par la rédaction du site abt2011.com
Ecrit le 27 juin 2009

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ANNEXE

Interview de M. Yayi Boni, président du Bénin : « Nous voulons être un espace d’avenir... »
lundi 21 janvier 2008

Interview réalisée par S. Nadoun COULIBALY (Sidwaya)

S. : Le candidat du Bénin a été choisi pour présider la BOAD. Quels sont vos sentiments suite à cela ?

Y.B. : « Le candidat du Bénin demeure naturellement un serviteur de toute la sous-région. Aujourd’hui l’éradication de la pauvreté est telle que nous sommes condamnés à aller vers les investissements, la mobilisation des ressources. Autant d’attributions qui reviennent à la BOAD.
Lorsque le sommet m’a demandé de proposer quelqu’un je me suis dit que Pierre Abdoulaye Bio-Tchané est une personne indiquée pour ce poste. Son cursus est suffisamment éloquent. Il a roulé sa bosse à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en tant que directeur. M. Bio-Tchané fait partie des meilleurs cadres de cette institution.
Ensuite, il a été promu ministre des Finances avant de rejoindre le poste de directeur du département Afrique au Fonds monétaire international (FMI). Vous comprenez très bien qu’il me revenait de remercier les chefs d’Etat qui ont accepté cette proposition en donnant des instructions au Conseil des ministres pour sa nomination. Je suis convaincu que Pierre A. Bio-Tchané, à ce nouveau poste, va continuer de mettre son talent, son professionnalisme au service de la sous-région. »

http://www.lefaso.net/spip.php?article25145&rubrique62

1 commentaire:

  1. Je vous remercie pour cet éclairage de l'actualité. Votre article retrace une partie de notre histoire. Merci de ce rappel.
    Bon esprit critique.

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